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Breaking bad.. news

Breaking bad.. news

English version follows the French.

(14-11-2024)

C’est un drôle de talent.

Je suis vraiment plutôt bon pour annoncer de mauvaises nouvelles.

Quand j’ai fait mon cours de paramédic, il n’y avait pas d’instructions sur la façon d’annoncer de mauvaises nouvelles. Peut-être qu’ils laissaient simplement ça aux policiers, aux infirmières et aux médecins. Peut-être que c’était juste une évidence que ça ferait partie de notre job.

Dans tous les cas, on nous laissait tâtonner à l’aveuglette pour expliquer comment le patient – leur proche – n’avait pas survécu à ce moment extraordinairement difficile de la vie.

Rien ne te prépare à annoncer de mauvaises nouvelles, à part de le faire pour vrai. Ça ne devient jamais plus facile. Tu deviens juste meilleur – ou pas.

J’ai eu plusieurs partenaires qui s’éclipsaient quand venait le temps d’expliquer que non seulement papa s’était réveillé mort ce matin-là, mais qu’il avait réussi à rester mort malgré nos efforts pour inverser le processus.

Un de mes partenaires a littéralement quitté après un arrêt cardiaque. Le patient est mort. Mon partenaire est sorti de la cuisine, a traversé le long corridor jusqu’à la porte d’entrée, a descendu les escaliers de façade et s’est retrouvé sur le trottoir où il a hélé un taxi, sans jamais regarder en arrière.

C’est moi qui ai annoncé la nouvelle à la famille réunie dans le salon. Il y avait une femme âgée qui récitait son chapelet. Elle semblait savoir ce qui s’en venait quand elle m’a vu arriver. Elle a fait une pause, baissé la tête et pleuré. J’ai simplement hoché la tête en direction du reste de la famille pour confirmer son intuition.

J’étais tellement bon pour annoncer de mauvaises nouvelles que les policiers me demandaient souvent de les accompagner lors de visites officielles pour des notifications. Tu sais que ce ne sera pas une bonne nouvelle quand il y a deux policiers et un paramédic sur le pas de ta porte à trois heures du matin et que ton fils/ta fille/ton mari/ta femme est vraiment en retard pour rentrer à la maison.

Dans les services en uniforme, si des gens en tenue d’apparat se présentent à ta porte, il y a de fortes chances que tu sois sur le point de recevoir la nouvelle d’un décès en service. Heureusement, au cours d’une longue carrière, ça ne m’est arrivé que quelques fois. Je ne pense pas qu’il y ait pire que de croiser le regard de quelqu’un au moment précis où il comprend pourquoi tu es là. J’ai eu de la difficulté à garder mon sang-froid pendant et après ces appels.

J’ai appris au fil du temps que la majeure partie du travail consistait à guider les gens entre ce moment juste avant la réalisation et cet instant horrible où il n’y a plus de retour en arrière, où la vie est à jamais changée. Ils n’étaient pas en mesure de comprendre autre chose que le choc brutal de la perte à ce moment-là.

La plupart savaient que ça s’en venait. Ils avaient vu nos efforts sur le code. Le ballet frénétique de la RCR, des tubes, des médicaments, de la défibrillation – et peut-être qu’ils avaient digéré la réalité de la situation. Peut-être qu’un membre de l’équipe leur avait donné une mise à jour pour adoucir le coup éventuel.

« Elle n’a pas de pouls et ne respire pas. C’est pour ça que les paramédics font la RCR. C’est important que vous vous prépariez au pire, tout en continuant d’espérer un miracle. »

Les réactions allaient d’un simple acquiescement engourdi à un effondrement total, en passant par des cris de douleur qui ne s’estompent pas, peu importe le nombre de pièces ou de portes entre toi et les endeuillés. Tout le monde vit son deuil à sa façon. Il n’y a pas de règles pour réagir à une très mauvaise nouvelle.

Je me suis fait frapper. Je me suis fait donner des coups de pied. Je me suis fait crier après, menacer, et un jour, un homme dont le fils s’était suicidé dans le garage m’a fixé sans mot dire. Il me transperçait du regard. Il me fixait encore quand d’autres membres de la famille sont arrivés. J’étais soulagé de quitter le champ de ses yeux tellement son regard creux était intense.

Une femme a éclaté de rire en pleine face. Elle s’est mise à rire nerveusement. Sa fille a expliqué que dès qu’elle était nerveuse ou anxieuse, elle se mettait à rire. Elle avait toujours ri quand la vie lui envoyait un imprévu. Et là, elle riait devant la mort subite de son mari. Ce rire triste résonnait contre les carreaux de céramique dans l’entrée et se rendait jusqu’à la terrasse où on préparait le corps pour les gens du salon funéraire.

Le plus souvent, les gens sont soulagés d’avoir quelqu’un avec eux pour essayer de rassembler leurs émotions éparpillées. Je suis devenu un expert en infusion de thé et en préparation de café, en appelant les voisins, les membres de la famille éloignée, les salons funéraires pour faire les arrangements.

Toutes ces choses essentielles qu’on avait oublié de mentionner à l’école de paramédic.


Breaking bad.. news

It’s an odd talent.

I’m really quite good at breaking bad news.

When I went through medic school there were no how-to instructions on breaking bad news. Maybe they just left the bad news delivery to the cops, the nurses and the docs. Maybe it was just a given it would be part of our job.

In any case, we were left to blindly stumble through the process of explaining how the patient – their loved one – had not survived this extraordinarily difficult moment in life.

Nothing prepares you for breaking bad news than actually breaking bad news. It doesn’t get any easier. You just get better at it – or you don’t.

I had many partners who would make themselves scarce when it came time to explain that not only had Dad woken up dead that morning, he had managed to stay dead despite our efforts to somehow reverse that process.

I had one partner who walked out of the aftermath of a cardiac arrest. The patient died. My partner walked out of kitchen, down the long hallway to the front door, down the front stairs and out onto the sidewalk where he hailed a cab and never looked back.

I broke the bad news to the family who was assembled in the living room. There was an older woman saying the rosary. She seemed to know what was coming when she saw me coming. She paused, bowed her head, and cried. I merely nodded to the rest of the family to confirm her intuition.

I was so good at delivering bad news police officers often asked if I could accompany them on official notification visits. You know it can’t be good news when there are two cops and a paramedic on your doorstep at three in the morning and your son/daughter/husband/wife is really late getting home.

In the uniformed services, if there are people in full dress uniform at the door, chances are good you’re about to receive news of a line of duty death. Mercifully, in the course of a long career, I have only drawn that duty a few times. I don’t think there’s anything worse than looking into the eyes of someone you know at the moment they realize why you’re standing at the door. I had a hard time keeping it together during and after those calls.

I have learned along the way that most of the job of breaking bad news involved guiding people from that moment just prior to realization to that awful moment that couldn’t be taken back when life would be forever changed. There was no way they were going to process anything more right then other than the sheer shock of loss.

Most knew it was coming. They had watched us working the code. The frantic ballet of CPR and tubes and drugs and defibrillation – and perhaps they had digested the reality of the situation. Maybe one of the crew had provided an update to lessen the eventual body blow.

“She doesn’t have a heartbeat and she’s not breathing. That’s why the medics are doing CPR. It’s important you prepare for the worst while continuing to hold out hope for something better.”

The reactions ranged from numb acknowledgement to total body collapse to wailing screams of anguish that don’t fade no matter how many rooms and doors you manage to place between you and the bereaved. Everyone grieves in their own way. There are no rules for reacting to really bad news.

I’ve been punched. I’ve been kicked. I’ve been screamed at, threatened, and once was stared at stonefaced by a man whose son had committed suicide in the garage. He stared right through me. He was still staring when other family members began arriving. I was relieved to get out of range of his eyes such was the hollow intensity of his gaze.

One woman laughed in my face. She dissolved into hysterical giggles. Her daughter explained that whenever she got nervous or anxious she giggled. She’d always laughed when life threw her an unexpected curve ball. And now she was laughing when confronted with the sudden death of her husband. That sad laughter echoed off the ceramic tiles in the entrance of the home and found its way out to the deck where we were preparing the body for the people from the funeral home to pick up.

More often than not, people are relieved to have someone there with them as they try to gather back their tumbledout emotions. I have become an expert at brewing tea and making coffee, at calling neighbours, at calling distant family members, at calling funeral homes to make arrangements.

All the essentials that no one thought to explain way back in medic school.