Compter les minutes
Dans l'ouest de Montréal, le vaste territoire connu sous le nom de Secteur 4 par Urgence-santé, les paramédics affectés aux appels les plus critiques (priorité 0) sont arrivés en 19 minutes ou moins dans 90 % des cas. Pour les appels de priorité 1, qui présentent un risque de mortalité, les paramédics affectés à ces appels sont arrivés sur place en 22 minutes ou moins dans 90 % des cas (pour 7 027 appels pendant la période du 23 novembre 2023 au 12 mars 2024).
L'autre secteur avec les délais de réponse les plus lents comprend l'ensemble du territoire de Laval et une partie du nord de Montréal. Les paramédics affectés aux appels les plus critiques (priorité 0) sont arrivés en 16 minutes ou moins dans 90 % des cas. Pour les appels de priorité 1, qui présentent un risque de mortalité, les paramédics affectés à ces appels sont arrivés sur place en 20 minutes ou moins dans 90 % des cas.
À Calgary, le 90e percentile* pour les délais de réponse aux appels hautement prioritaires est de 12 minutes. À Toronto, c’est 14,3 minutes. À Philadelphie, c’est 15 minutes.
*C'est le délai dans lequel 90 pour cent reçoivent une réponse. Par exemple, un temps de réponse du 90e percentile de 17 minutes signifie que 90 % de tous les appels reçoivent une réponse dans un délai de 17 minutes et que les 10 % restants prennent plus de 17 minutes.
Pour donner un peu de perspective, pour les patients suspectés d'un STEMI (crise cardiaque) dans le comté de Los Angeles en Californie, le 90e percentile du temps nécessaire aux paramédics pour intervenir, traiter sur place, puis transporter vers une salle d'urgence est de 27 minutes. Pour les patients présentant des symptômes de crise cardiaque dans le secteur 1 de Montréal, le 90e percentile du temps nécessaire à l’arrivée des paramédics sur place est de 22 minutes.
Grâce à une demande d'accès à l'information, La Dernière Ambulance a acquis toutes les données de temps réponse à des dizaines de milliers d'appels auxquels Urgences-santé a répondu du 23 novembre 2023 au 12 mars 2024.
Nous avons suivi chaque appel depuis la création d’une carte d’appel au centre de communication jusqu’à l’arrivée du premier véhicule d’Urgences-santé sur place. Nous avons calculé le 90e centile de tous les appels répondus, c'est-à-dire le délai dans lequel 90 % des appels reçoivent une réponse.
Ce qui signifie, bien sûr, que 10 % du temps, il a fallu plus de 19 ou 22 minutes avant que les paramédics n’arrivent sur les lieux. Avec un volume d'appels aussi élevé que celui d'Urgences-santé, cela fait que des dizaines de milliers de personnes ont attendu longtemps avant l'arrivée des soins paramédicaux.
Comme le disait le maire de Kirkland, Michael Gibson, en entrevue au Journal de Montréal le 25 février 2024 : « Ça n’a aucun sens. On a le temps de mourir deux fois». Gibson a réaffirmé ces commentaires ce matin après avoir entendu parler de l'enquête menée par La Dernière Ambulance.
Au fil des années, l’une des réponses habituelles aux préoccupations et aux questions sur les délais d’intervention d’Urgences-santé a été de faire référence au fait que les premiers répondants sont souvent affectés aux urgences les plus critiques.
En fait, les premiers répondants ne sont pas affectés à tous les appels de priorité 0 et 1 et à Laval, les premiers répondants ne répondent qu'à un sous-ensemble limité des urgences les plus critiques.
La Dernière Ambulance a appris que le gouvernement du Québec entend rechercher le plus petit commun dénominateur pour les premiers répondants à travers la province plutôt que d'augmenter le niveau de financement disponible pour les services qui offrent davantage de formation à leur personnel et de services à leur population, par exemple, le Service d'incendie de Montréal.
Selon des sources anonymes proches du dossier et non autorisées à s'exprimer sur le sujet, le MSSS propose de réduire drastiquement le nombre d'urgences critiques et potentiellement mortelles auxquelles répond le Service d'incendie de Montréal, de 82 000 à 26 000, ce qui signifierait des personnes en attendant l'arrivée des paramédics, ils devraient se débrouiller seuls jusqu'à l'arrivée de l'ambulance sur les lieux.
Une solution rentable serait d'embaucher des paramédics pour travailler avec le Service d'incendie de Montréal afin d'assurer l'arrivée rapide de soins paramédicaux, comme cela se fait dans de nombreux grands centres urbains en Amérique du Nord. Cela permettrait aux paramédics d'être au chevet du patient dans les 7 minutes suivant l’appel au 9-1-1 et d'augmenter la probabilité d'un résultat positif pour le patient tout en réduisant les coûts potentiels pour le système de santé.
La Dernière Ambulance suit les délais d'intervention des ambulances partout au Québec depuis le début de ce projet en février 2022 dans l'espoir de sensibiliser la population aux risques de vivre (et de mourir) avec un système de soins préhospitaliers d'urgence profondément dysfonctionnel.
J'ai été régulièrement interviewé dans les médias grand public pour parler des délais d'intervention des ambulances à Montréal et à Laval, le territoire desservi par Urgences-santé. À presque chaque occasion, j'ai pris grand soin de rassurer le public sur le fait que, même si les services d'ambulance manquent de ressources, ils sont toujours en mesure de répondre aux appels hautement prioritaires en temps opportun.
Maintenant, j’ai l’impression d’avoir offert un faux sentiment de réconfort. Il s’avère que l’arrivée rapide ou non des paramédics dépend beaucoup de l’endroit où vous vivez et, dans de nombreux cas, les délais de réponse, même pour les patients hautement prioritaires, dépassent largement toutes les normes acceptables.
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