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Exit wounds

Exit wounds

English version follows the French.

(27-11-2024)

Prologue

J’ai travaillé sur cette histoire pendant deux semaines. Ce fut difficile de la construire d’une manière qui avait du sens pour moi tout en restant fidèle à la délicatesse et à l’émotion brute du sujet. En réfléchissant à d’autres expériences analogues à l’entrée dans le système de santé, comme naviguer dans des eaux tumultueuses, j’ai compris que je devais écrire à travers le prisme de mon expérience avec le système de soins préhospitaliers d’urgence. Mon intention n’était pas de minimiser ou de banaliser les effets dévastateurs des blessures par balle et leurs conséquences, ni la réalité de pénétrer un système sans savoir si l’on en ressortira, ni dans quel état. Certaines images sont saisissantes, alors soyez conscient que l’histoire qui suit pourrait être dérangeante pour certains lecteurs.

Exit Wounds

Dans le domaine des soins préhospitaliers d’urgence, les blessures par balle sont appelées GSW (pour Gunshot Wounds), trauma par balle ou désignées par le code local de répartition. Au Québec, ce serait un « 27 » avec une lettre additionnelle pour préciser s’il s’agit d’un couteau ou d’une arme à feu à l’origine du traumatisme.

La première blessure par balle que j’ai rencontrée au travail impliquait une balle tirée d’un fusil de calibre militaire. Bien que la plaie d’entrée fût juste un petit trou, lorsque nous avons examiné le dos du patient, nous avons vu une plaie de sortie beaucoup plus grande, révélant l’étendue des dommages causés par l’impact soudain d’une balle à haute vélocité.

Les plaies d’entrée sont généralement plus petites et de forme régulière. Elles marquent le premier point d’impact, souvent influencé par des facteurs externes comme l’angle, la force ou la proximité.

De la même manière, entrer dans le système de santé québécois est souvent dicté par des circonstances externes : une maladie soudaine, une blessure, ou une crise.

La dernière semaine d’août, ma mère a attrapé un simple rhinovirus – un rhume. En quelques jours, il s’était installé dans ses poumons. Le premier samedi de septembre, elle a développé une pneumonie et une insuffisance cardiaque congestive. Elle était en détresse respiratoire sévère lorsque l’appel au 9-1-1 a été fait. Les paramédics sont arrivés rapidement et lui ont prodigué des soins à domicile et pendant son transport vers l’urgence de l’Hôpital général de Lachine.

À la mi-octobre, mon beau-père a contracté la Covid. La maladie a rapidement évolué et, un matin, très tôt, après une nuit inconfortable et éprouvante, la décision a été prise d’appeler le 9-1-1. Les paramédics sont arrivés et lui ont prodigué des soins sur place, puis pendant son transport à l’urgence à Sherbrooke.

Pour chacun, leur entrée dans le système s’est concentrée sur la stabilisation et une évaluation rapide de la gravité de leur état. L’impact initial de leurs conditions respectives a été mesuré par des tests diagnostiques, des prélèvements sanguins et une multitude de scans.

Bien que le système soit conçu pour absorber les patients critiques avec une relative efficacité, l’expérience peut être abrupte et désorientante pour les patients – et encore plus pour leurs familles. Souvent, lorsqu’une personne est gravement malade, son monde se réduit à ses besoins immédiats et à son environnement proche. Pendant ce temps, les familles essaient de comprendre ce qui se passe et comment toutes les pièces mobiles peuvent s’assembler pour avoir un sens.

À l’urgence, ma mère était au centre de l’attention. Bien que ce soit le bon endroit pour recevoir des soins intensifs, ce n’était pas une bonne période pour être la vedette du spectacle. Une cacophonie de sons, des alarmes incessantes, rivalisant dans une symphonie d’urgence – et la respiration rapide de ma mère, haletante. Son moniteur de signes vitaux s’illuminait de lumières clignotantes et d’alarmes. Son pouls chutait : 46, 44, 40, 38.

Elle a été transférée par des paramédics à l’urgence de l’Hôpital général juif. Finalement, elle a été admise, puis transférée, quelques jours plus tard, dans une autre installation pour commencer un long processus de rétablissement.

Ainsi a commencé un parcours fragmenté et déconcertant dans le système de santé, semblable à une balle qui traverse un corps de manière imprévisible vers une sortie incertaine.

Mon beau-père a également été transféré. Il est passé du service des urgences à une résidence privée pour aînés à Coaticook, où l’objectif était qu’il convalesce quelques jours avant de rentrer chez lui. Mais cela ne s’est pas passé comme prévu. Après quelques jours, son état s’est aggravé, un autre appel a été fait au 9-1-1 et les paramédics sont intervenus à nouveau. Il a été transporté à l’urgence de Sherbrooke, puis admis à un étage.

Pendant ce temps, ma mère progressait bien avec ses séances de physiothérapie et d’ergothérapie, et nous avions des raisons d’espérer qu’elle pourrait peut-être retourner dans son appartement.

Puis, une nuit, comme cela nous a été décrit avec des détails horribles, elle appelait depuis son lit jusqu’à ce qu’« elle se calme ». Lorsque la préposée aux bénéficiaires est allée vérifier ma mère à 6h15 du matin, elle ne réagissait pas normalement, et la préposée a signalé qu’elle était affaissée sur un côté.

Il fallut encore cinq heures avant que l’infirmière de l’étage appelle le 9-1-1 pour signaler que ma mère pourrait avoir subi un AVC. Ma mère a été transférée à l’urgence de l’Hôpital général juif, soignée pendant la nuit, puis renvoyée à la même installation de réadaptation où elle a subi un autre AVC – cette fois avec des conséquences plus graves.

Les paramédics ont de nouveau été appelés. Ils lui ont prodigué des soins sur place et en route vers l’urgence de l’Hôpital général juif où, une fois encore, après avoir été soignée à l’urgence, ma mère a été admise à un étage, puis transférée dans un établissement de neuro-réadaptation, où elle continue de recevoir des soins.

Elle reste résiliente face à de multiples revers, et nous attendons un autre transfert vers une autre installation pour des soins à plus long terme. Le dossier médical de ma mère, semblable à une balle, continue de traverser le système de santé.

Mon beau-père, lui, a été transféré de sa chambre d’hôpital à un centre de réadaptation, et, pendant un bref instant, nous avons cru qu’il pourrait se rétablir. Cependant, son parcours à travers le système de santé a rapidement pris une trajectoire descendante et irréversible.

Quelques jours seulement après son admission au centre de réadaptation, il a été déplacé dans une chambre privée, placé sous un protocole de soins palliatifs, et visité par des proches, y compris la « femme extraordinaire » avec qui il avait partagé 60 ans de mariage, avant de rendre son dernier souffle. Il avait 83 ans.

Plaies de sortie

La plaie de sortie d’une balle est irrégulière, incontrôlable et bien plus destructrice que son point d’entrée. Elle représente non seulement la violence de l’impact mais aussi le chaos de ses conséquences. De même, quitter le système de santé reflète la dernière interaction d’un patient avec les soins.

Lorsqu’un proche est ballotté à travers un système de santé, ce processus déchire la stabilité et la confiance de la famille. Des questions restent sans réponse, et des blessures secondaires apparaissent – caractérisées par des trous béants dans la capacité de la famille à faire face tout en continuant à défendre les soins de leur être cher.

Finalement, nous cessons de lutter et nous nous résignons dans l’espoir de garantir les meilleurs soins possibles pour nos proches. C’est un choix troublant, qui laisse de profondes cicatrices, marquées par des « et si » restés en suspens :
Et si nous avions obtenu des réponses plus claires ?
Et si quelqu’un avait réellement écouté nos préoccupations ?
Et si les soins avaient été amorcés plus tôt ?

Rarement, certaines sorties sont fluides, comme des blessures par balle traversant proprement un corps. Cependant, plus fréquemment, elles entraînent des conséquences bouleversantes et la douloureuse réalité qu’il n’y aura peut-être jamais de véritable fermeture.

Et certaines plaies de sortie laissent un vide immense qui ne pourra jamais être comblé.


Épilogue

Si vous avez une histoire à partager concernant vos expériences avec le système de santé, n’hésitez pas à m’écrire par courriel : newman.hal@gmail.com.

Vous êtes également invité à laisser un commentaire à la suite de cette histoire.


Exit Wounds

Prologue

I’ve been working on this story for two weeks. It has been difficult to craft in a way that made sense to me while remaining true to the delicate and often very emotional subject matter. While I thought about other experiences analogous to entering the healthcare system, e.g., negotiating white water, I realized I had to write this from the prism that has informed my experience with the emergency prehospital care system. It was not my intention to minimize or trivialize the devastating effects of gunshot wounds and their consequences or the reality of entering a system not knowing if you might exit or what that exit might look like. Some of the imagery is arresting so please be aware the following story may be triggering for some readers.

Exit wounds

In the emergency prehospital care world, gunshot wounds are referred to as GSWs or the local dispatch designator might be used. In Québec that would be a 27 with the appropriate letter attached providing additional details on whether it was a knife or a gun which caused the trauma.

The first gunshot wound I ever encountered on the job involved a bullet fired from a military-grade rifle. Although the entry wound was just a small hole when we looked at the patient’s back, we saw the much larger exit wound and realized the extent of the damage caused by the sudden impact of a high-velocity round.

Entry wounds are usually smaller and more regular in shape. They mark the first point of impact and are often controlled by external factors like angle, force, or proximity.

Similarly, entering Québec’s healthcare system is often dictated by external circumstances – sudden illness, injury, or crisis.

In the last week of August, my mother caught a simple rhinovirus – a cold. Within days, it had set up camp in her lungs. On the first Saturday of September, she developed pneumonia and congestive heart failure. She was in full blown respiratory distress when the call to 9-1-1 was made. The paramedics arrived quickly and provided care at her residence and en route to the ED at the Lachine General Hospital.

In mid-October, my father-in-law contracted Covid. It quickly became severe and one day, very early in the morning, after a very uncomfortable and distressing night, the decision was made to call 9-1-1. The paramedics arrived and provided care at the condo and en route to the ED in Sherbrooke.

As each entered the system, the immediate focus was on stabilization and rapidly assessing the severity of their conditions. The initial impact of their respective conditions was measured through diagnostic tests, blood draws, and a multitude of scans.

While the system is designed to absorb critical patients with relative efficiency, the experience can be abrupt and disorienting for the patients – but even more so for their families. Often when someone is critically ill, the span of their world can be measured in terms of immediate needs and space. They’re in survival mode and the view on the horizon is much closer than usual. Meanwhile, their families are trying to come to grips with what is happening and how all the moving parts need to somehow come together to make sense.

In the ED my mom was the focus of attention. While it was a good place to be in terms of the level of care available, it really wasn’t a great time to be the star of the show. A cacophony of sounds, alarms going off constantly, each competing with the other in an orchestra of urgency—the rapid breathing of my mother. My mother was gasping for air. Her vital signs monitor lit up with flashing lights and cascading alarms. Her pulse dropped to 46, 44, 40, 38.

She was transferred by paramedics to the ED at the Jewish General Hospital. Eventually she was admitted and then, days later she was transferred to another facility to begin the long process of recovery.

And so began a disjointed and disorienting journey through the healthcare system much like a bullet tumbling through a body on its way to an uncertain exit.

My father-in-law was also transferred. He went from the Emergency Department back to a private senior’s residence in Coaticook where the goal was to have him convalesce for a few days before going back home. It didn’t work out that way. After a few days, his condition worsened, another call was placed to 9-1-1 and paramedics responded again. He was transported to the ED in Sherbrooke and then admitted to a floor.

My mother was making good progress with her physio- and occupational therapy and we had reason to hope that she could, perhaps, return to her apartment.

Then, one night, as was described to us in horrific detail, she was calling from her bed until ‘she quieted down’. When the patient care attendant went to check on my mom at 6.15 morning, she wasn’t responding normally and the attendant reported she was slumped to one side.

It would take another five hours before the nurse on the floor placed a call to 9-1-1 to report my mom may have suffered a stroke. My mom was transferred to the Jewish General ED, treated overnight, and then returned once again to the same rehab facility where she suffered yet another stroke – this time with more serious consequences.

Paramedics were called again. They treated her at the scene and en route to the ED at the Jewish General where, once again, after being treated in the ED my mother was admitted to a floor and then transferred to a neuro rehabilitation facility where she continues to receive treatment.

She remains resilient in the face of multiple setbacks, and we await another transfer to yet another facility for longer-term care. The bullet that is my mother’s case file continues to tumble through the healthcare system.

My father-in-law was transferred from his hospital room to a rehab facility and there was, briefly, the thought he could recover. However, his journey through the healthcare system was more determinate and rapidly took on a downward trajectory.

Only days after being admitted to the rehab facility, he was moved into a private room, placed on a compassionate care protocol, visited by close friends and family including the ‘extraordinary woman’ he was married to for 60 years, before drawing his final breath. He was 83 years old.

Exit wounds

A bullet’s exit wound is jagged, uncontrollable, and far more destructive than its point of entry. It represents not just the violence of impact but the chaos of its aftermath. Just as an exit wound reflects the body’s final interaction with a projectile, leaving the healthcare system reflects the patient’s last encounter with care.

When a loved one is shuffled through a healthcare system, the process rips through the family’s sense of stability and trust. Questions remain unanswered and secondary wounds appear – characterized by gaping holes in the family’s ability to cope while still advocating for the care of their loved one.

Eventually, we stop fighting and surrender in the hopes of securing the best care we can for our loved ones. It’s a haunting choice, one that leaves deep scars related to unanswered “whatifs”: What if we had been given clearer answers? What if someone had truly listened to our concerns? What if care was initiated sooner rather than later?

Rarely, some exits are smooth, like the clean through-and-through bullet wounds. However, more frequently, they carry life-altering consequences and the painful reality there may never be any real closure.

And some exit wounds leave a tremendous void which can never be filled again.


Afterword

If you have a story to share about your encounters with the healthcare system, feel free to drop me a line via email: newman.hal@gmail.com

You’re also welcome to leave a comment after this story.