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Félix Gagnon : Origine

Félix Gagnon : Origine

Origines : modestes et sans éclat, contrastant jour après jour avec les étincelles de plaisir que m’apporte cette profession. Pour cette première chronique d’une longue série, je l’espère, on m’a demandé de raconter mon cheminement jusqu’à la boîte jaune, que je conduis depuis maintenant un peu plus de 3 ans.

Vérité pure sans façade artificielle à saveur de réseaux sociaux, mon histoire n’a absolument rien d’exceptionnel. La saveur qu’elle porte est plutôt familiale : si la chance m’a épargné durant ma jeune vie d’une péripétie suffisamment significative pour nécessiter l’intervention des paramédics, je ne peux en dire autant pour tous les membres de ma famille. Encore une fois, rien de cinématographique et aucun décès dramatique, simplement l’occasion d’avoir dû prodiguer les premiers soins à des êtres chers. C’est à ce moment que la flamme s’est tranquillement allumée, pourtant elle a dû être tamisée durant quelques années avant de pouvoir exprimer sa pleine lumière.

Secondaire 5, année où le système scolaire exige indirectement le choix d’une carrière, je me retrouve alors face à deux choix : exprimer ma créativité via le cinéma ou tenter ma chance dans un domaine inconnu qui m’attire depuis longtemps, soit celui des soins préhospitaliers. À l’époque, on m’expose les conditions défavorables du préhospitalier et je me laisse donc guider par la naïveté du choix facile derrière la caméra. Ce film sera toutefois un très court métrage puisqu’après quelques semaines d’études seulement, je décide de suivre mon cœur et de braquer la caméra pour le stéthoscope. À 18 ans, cela me semble être une des plus grandes décisions de ma courte vie, et pourtant je ne réaliserai que plusieurs années plus tard lors de ma diplomation qu’il s’agissait de la bonne décision.

Trois ans d’études. Pour plusieurs, cela peut sembler long, alors qu’il s’agit en fait d’un temps ridiculement court pour apprendre les bases de la physiologie humaine et ses traitements. Trois ans pour apprendre à maîtriser l’imprévisibilité pure du chaos dans la vulnérabilité de ceux qui nous appellent. Trois courtes années pour apprendre un métier qui est passé en quelques années (voir ici plus ou moins 45 ans) d’un corbillard à celui d’un maillon crucial du domaine de la santé. En rétrospective, au moment d’écrire ces lignes, je réalise que c’est à ce moment de ma formation que mon éveil des connaissances médicales est né, malgré la fatigue d’un horaire de cours chargé. Parmi le stress des examens s’est développé le calme qu’on se doit d’aborder lors d’une intervention. Malgré des protocoles très linéaires s’est construit le sens de l’improvisation contrôlée, cruciale à ce métier. Dans les questionnements entre les scénarios s’est édifié le sens de la débrouillardise, qui m’a sauvé nombre de fois durant ma jeune carrière.

2020 : Bien que cette année ne sera oubliée par personne, elle revêt d’une importance encore plus haute pour moi, alors que j’y ai gradué. Apprendre un métier pendant trois ans sans avoir le temps de le pratiquer dans la vraie vie, pour ensuite complètement en changer la pratique en raison des protocoles d’interventions secondaires à la Covid : voilà le défi qui m’attendait avec mon diplôme en main. Dans tout ce désordre qu’a représenté la pandémie, je n’étais pas une victime malgré ce nouvel enjeu : je faisais maintenant partie de l’équipe soins préhospitaliers et il était maintenant temps de remonter mes manches (ou plutôt celles de ma jaquette de protection devrais-je dire). 

Depuis la pandémie, j’ai vu l’humain resplendir comme je l’ai vu dans sa plus grande laideur. Être constamment exposé à la misère humaine dans toutes ses formes fait murir rapidement l’esprit, ce qui m’a incité à revisiter une passion qui s’était faite timide depuis l’adolescence : l’écriture. Forme d’extériorisation et de réflexion, c’est sous les étoiles de Rigaud que mon écriture s’est développée, au rythme des ronflements de mon partenaire, mal installé sur le banc passager.

Toutefois, restons réalistes : bien que mon écriture se veuille positive dans un domaine parfois cynique de lui-même, je n’ai que 3 ans d’expérience comme paramédic. Je ne me bercerai pas de la prétention que j’ai toute vue et tout vécu, au contraire ! Je n’ai encore rien accompli et certains de mes collègues ont plus d’années d’ancienneté que ce que j’ai d’années de vie (je m’excuse à ceux que cela ne rajeunira pas). Pourtant, ces trois années m’ont laissé tout le temps de tomber en amour avec les gyrophares qui éclairent les coins plus sombres de la souffrance humaine. Réaliste sans être utopique ou pessimiste, je veux vous exposer ce qui me fait vibrer à chaque fois que j’enfile l’uniforme. Mes prochaines chroniques seront davantage portées sur ma compréhension de ce métier, encore inconnu pour plusieurs, ainsi que de ses défis, et des beaux, comme les moins beaux moments. Toutefois, il était important de tout d’abord vous faire connaître un peu mon histoire, celle d’un gars ordinaire défiant avec le plus grand plaisir l’imprévisibilité pathologique qui guette chaque ambulance postée sur un coin de rue.

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