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Flashback

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FLASHBACK :

La lettre qui a fait le plus de réactions sur La Dernière Ambulance, du 28 juin 2022.


Chers paramédics,

Je tiens à vous dire que je suis de très près les négos pour le renouvellement de votre convention collective.

Votre cause me tient à cœur en tant que citoyenne, en tant que fille dont le papa a été sauvé lors d'un infarctus grâce à vous et en tant que conjointe d'un paramédic en fonction depuis un an maintenant, dans le cadre d'une réorientation de carrière et, après mûres réflexions, j'en suis venue à la conclusion suivante: on se moque de vous.

Je fais en général confiance au "système", mais là, franchement, il y a des limites à prendre les gens pour des cons.

D'abord, c'est quoi ces délais absurdes pour renouveler les conventions, que ce soit la vôtre, celle des sages-femmes, des infirmières, des enseignants, etc.?

Deux années pendant lesquelles vous ne touchez pas le salaire que vous devriez toucher, deux années à vous faire niaiser, ô employés si respectés de l'État. C'est bien beau, une rétroaction, mais les comptes sont à payer maintenant, pas dans deux ans.

Et justement, parlons-en, de votre salaire. Il n'a aucun sens. Votre salaire d'entrée en ce moment: 23, 77$/heure. Ma voisine de 13 ans fait plus d'argent en coachant au soccer (25$/heure).

23,77$ de l'heure pour consoler, ranimer, traiter, réconforter, orienter, panser, nettoyer et j'en passe, évidemment; vous le savez mieux que moi.

23,77$ de l'heure pour aller au front en termes de maladie, de mort, de blessures, de suicides, de confusion, de consommation, de violence, d'accidents, d'inquiétudes, de peine, de misère (beaucoup trop) et de connerie humaine, si je puis me permettre.

23,77$ de l'heure pour accompagner les gens dans certains des pires moments de leur vie à toute heure du jour et de la nuit.

23,77$ de l'heure pour trois ans de formation, des horaires impossibles (zéro family friendly, on s'entend), un sang-froid hors du commun, une empathie sans borne, une efficacité sans faille et une absence totale de dédain.

Honnêtement, 23,77$/h pour décrocher un jeune pendu de 15 ans devant sa famille anéantie, c'est indécent.

Pas étonnant, en tout cas, que la relève est aux abonnés absents et que plusieurs désertent quelques mois à peine après avoir commencé.

D'ailleurs, avant de penser à attirer une relève qui sera de toute manière déçue par le milieu en l'espace de quelques semaines, il faudrait déjà essayer de stopper l'hémorragie des départs hâtifs et tenter de ranimer la flamme de ceux qui tiennent encore le coup malgré tout.

Une vocation, qu'ils disent, pour justifier le salaire pathétique de tous ces cadres de métiers éprouvants et altruistes dont vous faites partie et sans qui notre société serait encore plus malade qu'elle ne l'est déjà. Mais une vocation, ce n'est pas particulièrement vendeur quand vient le temps de négocier une hypothèque, n'est-ce pas?

Une vocation, ça n'aide pas à payer l'épicerie, l'essence, les cours des enfants, le compte d'électricité… Et de toute façon, une vocation, si ce n'est pas bien encadrée, reconnue, respectée, renforcée et rémunérée, ça use prématurément les meilleures intentions du monde.

Sur ce, j'en profite pour vous remercier du fond du cœur pour le précieux travail que vous accomplissez et que peu oseraient faire, même dans de meilleures conditions.

Bon courage et, surtout, continuez à vous battre. Je sais que vous êtes fatigués, mais vous méritez mieux que ça.

Mariline Babeux,ancienne gestionnaire en RH

p.s. Pendant qu'on y est, les conditions des probatoires et le concept de faction représentent deux façons de faire tellement archaïques que je ne comprends même pas qu'on en parle encore; ça fait longtemps que ça aurait dû être revu et corrigé. Bref, lâchez pas!