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La Chronique de Anonyme

La Chronique de Anonyme

Qu’en est-il de la parité homme-femme ? Et dans est-il du milieu préhospitalier ?

Voici mon parcours personnel à ce sujet.

Quand j’étais toute jeune, je croyais avoir trouvé ma vocation et j’étais prête à tout pour y parvenir. Cependant, j’étais loin de penser que la réaction de mon entourage serait aussi défaitiste quant à mon futur choix de carrière. L’opinion de notre famille et de nos amis détient sans contredit une importance capitale dans notre processus décisionnel. La réponse de mes proches masculins était assez unanime lorsque je leur faisais part du fait que je voulais devenir paramédic. Ils remettaient très rapidement en doute mes capacités physiques en soulignant que je ne serais jamais capable de soulever des patients en surpoids vu ma petite taille. J’avais rapidement abandonné cette aspiration puisque ceux en qui j’avais confiance ne croyaient pas en moi.

En tant que femme, j’ai grandi et été socialisée parmi des modèles féminins très homogènes en ce qui concerne l'apparence physique. Des corps munis de petites épaules, une taille étroite et de longues jambes sveltes. En d’autres termes, le moins de définitions musculaires possible, car ce n’était pas encore très idolâtré d’être en forme, comparativement à aujourd’hui. Je me souviens même avoir entendu ma propre mère et mes amies me répéter à maintes reprises que des épaules et des bras trop définis ça faisait trop masculins. Je me suis même surprise quelques fois à répéter cette croyance qui sonnait faux et me laissait un gout amer en bouche sachant très bien que je n’y adhérais pas.

La raison est forte simple : j’ai toujours été très active et je pratiquais une multitude de sports, en passant par le volleyball, le soccer, le cheerleading et le CrossFit, pour ne nommer que ceux-là. Cela dit, je me rappelle qu’en me comparant aux autres jeunes filles de mon âge, je percevais déjà des disparités notables. Je n’étais pas très grande, mais je possédais des bras plus définis que la plupart d’entre-elles et cela en faisait sourciller plusieurs. Les regards en disaient souvent plus long que les mots et c’est pourquoi mon manque de confiance en moi a longtemps été affecté par ces jugements. Mon complexe physique était rendu à un point tel que je priorisais toujours des vêtements en conséquence. Des manches longues qui cachaient mes épaules et, de préférence, pas trop serrés non plus de sorte que la définition de mes bras ne se devinait pas au travers.

C’est à partir de ce moment-là que j’ai pris conscience du fait qu’un double standard important s’imposait quant à l’apparence physique des hommes et des femmes : j’étais perçue comme étant trop musclée pour une fille… Pourtant, aucun garçon du même âge ne se faisait remarquer qu’il était trop musclé ou trop défini.

Une décennie plus tard, j’ai finalement décidé de revenir à mon choix de carrière initiale et de m’inscrire officiellement au programme d’étude de soins préhospitaliers d’urgence. Pleinement confiante en mes capacités physiques et mentales, je me suis lancée dans un retour aux études collégiales alors que j’étais à mi-chemin dans un parcours universitaire. Ce n’est qu’une fois que j’ai entamé le vrai travail terrain en tant que femme dans un milieu traditionnellement plus masculin, que j’ai pu prendre le pouls de la situation quant à l’égalité homme-femme du milieu. Lors ma journée d’accueil, nous étions 11 filles embauchées… pas un seul homme. Incontestablement, notre cohorte a énormément fait parler au début. Quelques commentaires parvenaient à nous à propos du fait que nous n'étions que des filles : « Ça va toute partir enceinte en même temps et on ne les reverra plus » ou encore : « J’ai ben hâte de les voir forcer deux filles ensemble ». Par contre, ça semblait être une mentalité plus vieille et plus isolée qui propager ce genre de commentaire. Une fois que nous avons commencé à travailler, je n’ai jamais entendu ce ces remarques à nouveau.

Depuis plusieurs années déjà, ce qui ne semble pas changer, c’est la culture générale des patients envers les femmes paramédics et surement d’autres professions plus masculines par le passé. Je ne compte plus le nombre de fois qu’un patient nous a laissé savoir qu’il n’avait pas confiance en nous pour les transporter sur des outils d’évacuation. Par ailleurs, le commentaire pouvait provenir autant d’hommes que de femmes, mais il était beaucoup plus saillant chez la clientèle masculine. Quand je travaille avec un collègue, j’ai souvent droit à des remarques quant à mes capacités physiques, mais c’est encore plus fréquent lorsque nous sommes une équipe composée de deux femmes. Je me souviens d’un passant qui m’a vu prendre le volant de l’ambulance et qui a demandé à mon collègue : « tu n’as pas peur de la laisser chauffer ? ». Parfois, quand venait le temps d’évacuer un patient sur plusieurs étages, autant la famille sur place que le patient lui-même nous demandaient si j’allais être capable de les soulever. Chaque fois que ce genre de remarque nous est dirigée, mes collègues masculins prennent notre défense à chaque fois afin leur faire savoir qu’ils sont déplacés. Il y a quelques jours à peine, juste avant d’évacuer un patient sur une civière-chaise, il s’est penché pour tâter mon biceps à la blague et il m’a dit : « ok, ça devrait la job… j’ai pas vraiment le choix de toute façon ! ». Mon collègue n’a évidemment pas eu droit à ce même genre d’appréhensions à son égard.

Toutes ces anecdotes sont loin d’être isolées et occurrent pratiquement à toutes mes collègues au quotidien. Nous sommes choyées d’avoir des collègues qui nous supportent dans ce genre de situation, mais ça ne devrait tout simplement pas être un enjeu. Quel que soit le métier en cause, la parité homme-femme n’est clairement pas encore atteinte. Cette mentalité archaïque et misogyne n’a plus sa place en 2023. Dans les faits, il reste encore énormément de chemin à faire au sein de la culture populaire, mais j’ai bon espoir qu’un vent de changement est en train de s’observer pour les années à venir.


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