Les vrais dangers

(27-04-2025 – English version follows the French)
Ayons une discussion franche sur les vrais dangers auxquels les paramédics du Québec font face chaque jour — contrairement à ce que certains bureaucrates veulent bien croire.
"Le 5 avril 2015, je subissais un grave accident de travail. Je détaille l’expérience dans un chapitre de mon livre, Un dernier tour d’ambulance.
"Au moment de l’impact, j’étais passager avant. Durant ma convalescence de plusieurs mois, je ne compte plus les fois où j’ai songé à ce qui serait arrivé si j’avais eu le malheur d’être assis à l’arrière : il n’y avait qu’une seule réponse.
"Je serais mort sur le coup.
"Je restais chanceux d’avoir survécu à ce violent accident malgré et ce même si je portais ma ceinture de sécurité. Il en aurait été autrement si j’avais eu la malchance d’être au chevet d’un patient dans le module l’arrière. Au Québec, certains modèles d’ambulance sont équipés de ceintures à deux points d’attaches (aux hanches), dans le module de soins. Au mieux, ce sont des ceintures en trois points hanches et épaule). Ces ceintures n’offrent que peu de protection lors d’un face à face, car nous sommes pas assis face à la route, mais plutôt de côté. Il n’y a aucun coussin gonflable à l’arrière.
"Vous êtes projeté comme une poupée de chiffon lors d’un accident. Les blessures au cou et au dos, dans le cas d’un impact avant à haute vitesse, ne peuvent qu’être sévères, voire graves.Bien que la chose soit balayée du revers de la main dans les exigences minimales de sécurité lors de la conception des véhicules ambulanciers québécois (exigences émises par le gouvernement), il y a encore bien pire.
"Lorsque nous transportons un patient en arrêt cardio-respiratoire et que nous effectuons du massage cardiaque en direction de l’hôpital, on exige que nous soyions debout, pour que le massage soit efficace. Or, il n’y a aucun système qui nous retienne en place. Aucun harnais, aucune ceinture. Nous sommes à la merci d’une collision, sans protection aucune.
"Durant mon repos, une chose m’apparaissait de façon claire : plus jamais je n’allais mettre ma vie en danger pour qui que ce soit, sous aucun prétexte. Car c’est bel et bien ce qu’on exige de nous. Ce n’est que par un incroyable concours de circonstances favorables qu’aucun paramédic n’ait encore perdu la vie dans ce genre d’accident. Toutefois, ce jour funeste ne peut qu’arriver. Les statistiques nous rattraperons, tôt ou tard.
"À mon retour sur la route, au début de l’année 2016, j’avisai mon partenaire de la façon dont j’allais réagir si je devais manœuvrer un patient en ACR. Il supportait ma démarche. Le hasard dictant les choses dans notre métier, je du intervenir sur un arrêt cardiaque dans la première semaine de mon retour en poste. Nos protocoles indiquaient que nous devions continuer les manœuvres durant le transport.
"J’informai mon partenaire que j’allais bien effectuer le massage cardiaque sur le patient, mais que je le ferais assis et attaché, au meilleur de mes capacités tout en étant en sécurité. Il acquiesça. Je décris à haute voix tous mes gestes, pour que le moniteur-défibrillateur, qui enregistre vocalement la totalité de nos appels, garde la preuve.
"Une fois l’intervention terminée, j’ai décrit la totalité de mes gestes dans un rapport médico-légal, dont j’ai gardé copie en prévision de devoir défendre ma position. J’ai informé le syndicat de ma démarche, sachant fort bien que toutes les interventions impliquant un patient en ACR sont révisées au niveau gouvernemental.
Le temps passa, et rien n’arriva..."
- Extrait de LE COÛT DE LA VIE, DE NOTRE VIE par Martin Viau pour La Dernière Ambulance (19 juillet 2023)
Pourquoi le Québec doit reconnaître les risques réels auxquels font face ses paramédics
Chaque jour, des paramédics québécois répondent à des appels qui exposent leur corps, leur santé mentale et leur équilibre émotionnel à des risques considérables.
Ils interviennent dans des environnements instables, prodiguent des soins au cœur de situations dangereuses, et sont témoins d’une souffrance humaine profonde et répétée.
Pourtant, malgré ces risques tangibles — physiques, psychologiques et moraux, — leur classification professionnelle et leur rémunération ne reflètent pas la réalité du terrain.
Alors que pompiers et policiers bénéficient de structures salariales mieux alignées sur les dangers de leur profession, les paramédics continuent d’être sous-évalués.
Cette incohérence contribue à une crise silencieuse : taux élevés de blessures, d’épuisement professionnel, de dépression, et un exode croissant vers d’autres provinces ou carrières mieux reconnues.
Il est temps de corriger cette injustice.
Nous proposons :
Une reclassification professionnelle : reconnaître officiellement les paramédics comme des « professionnels de soins préhospitaliers à haut risque clinique et opérationnel ».
Une révision salariale : aligner les échelles salariales sur celles des policiers et des pompiers de même ancienneté, en tenant compte de l’exposition aux risques physiques et psychologiques.
Un soutien accru en santé mentale : accès obligatoire à des services psychologiques et reconnaissance présomptive du TSPT (trouble de stress post-traumatique) par la CNESST.
Une option de retraite anticipée : permettre aux paramédics de prendre leur retraite après 25 ans de service, comme d’autres professions à risques.
Une reconnaissance institutionnelle : instaurer des rituels officiels pour honorer les pertes et renforcer la résilience collective du milieu paramédical.
Ces mesures ne sont pas un luxe : elles sont un investissement essentiel pour la pérennité de notre système de soins d’urgence.
Nos paramédics méritent plus que notre gratitude : ils méritent une reconnaissance concrète de la part de l’État et de la société.
Ils protègent nos vies. Il est temps de mieux protéger la leur.
Soutenons nos paramédics.
Exigeons une reconnaissance à la hauteur de leur engagement.
La Dernière Ambulance appuie la Fondation commémoratif des paramédics canadienes dans sa mission de construire le Monument national des paramédics à Ottawa. Nous encourageons tous nos lecteurs à faire un don en cliquant sur le lien suivant : https://paramedicmonument.ca/fr/#donate/

The Real Dangers
Let’s have a frank discussion about the real dangers Québec paramedics face every day — as opposed to what some bureaucrats would have us believe.
"On April 5, 2015, I suffered a serious workplace accident. I describe the experience in a chapter of my book, Un dernier tour d’ambulance (One Last Ambulance Ride).
"At the moment of impact, I was sitting in the front passenger seat. During my months-long recovery, I lost count of how many times I thought about what would have happened if I had been unlucky enough to be sitting in the back: there was only one answer.
"I would have died instantly.
"I was lucky to survive the violent crash, even though I was wearing my seatbelt. It would have been a completely different outcome if I had been at a patient's side in the rear compartment. In Québec, some ambulance models are still equipped with only two-point lap belts in the patient care module. At best, they have three-point belts (lap and shoulder). These belts offer very little protection during a head-on collision because we’re seated sideways, not facing the road. There are no airbags in the back.
"In an accident, you’re thrown around like a rag doll. Neck and back injuries in the event of a high-speed frontal impact are almost guaranteed to be severe, if not catastrophic.
"While this reality is brushed aside in the minimum safety standards set by the Québec government for ambulance vehicle design, there’s something even worse.
"When transporting a patient in cardiac arrest, we are required to perform CPR on the way to the hospital — while standing. There’s no system to hold us in place. No harness, no belt. We’re completely exposed if there’s a collision.
"During my time off, one thing became crystal clear to me: I would never again risk my life for anyone, under any circumstances. Because that’s exactly what’s expected of us. It’s only by an incredible stroke of luck that no paramedic has yet been killed in this kind of accident. But that grim day is bound to come. Sooner or later, the statistics will catch up to us.
"When I returned to duty at the beginning of 2016, I informed my partner how I would handle any patient in cardiac arrest. He supported my decision. As fate would have it — as it so often does in our line of work — I had to intervene on a cardiac arrest case during my very first week back.
"Our protocols required us to continue CPR during transport."I told my partner that I would perform CPR on the patient, but that I would do it sitting down and belted in, doing the best I could while ensuring my own safety. He agreed. I verbalized all my actions out loud so that the monitor-defibrillator, which records the audio from all our calls, would have a record.
"After the intervention, I documented everything in a detailed medico-legal report and kept a copy in case I needed to defend myself. I also informed the union of my approach, knowing full well that every cardiac arrest call is reviewed at the government level.
Time passed, and nothing happened..."
— Excerpt from THE COST OF LIFE, OUR LIFE by Martin Viau, for The Last Ambulance (July 19, 2023)
Why Quebec Must Recognize the Real Risks Faced by Its Paramedics
Every day, Quebec paramedics respond to calls that expose their bodies, mental health, and emotional balance to significant risks.
They intervene in unstable environments, provide care in the midst of dangerous situations, and witness profound and repeated human suffering.
Yet despite these tangible risks — physical, psychological, and moral — their professional classification and remuneration do not reflect the reality on the ground.
While firefighters and police officers benefit from salary structures better aligned with the dangers of their professions, paramedics continue to be undervalued.
This inconsistency fuels a silent crisis: high rates of injury, burnout, depression, and a growing exodus toward other provinces or careers offering greater recognition.
It is time to correct this injustice.
We propose:
Professional reclassification: Officially recognize paramedics as “high clinical and operational risk prehospital care professionals.”
Salary revision: Align paramedic salary scales with those of police officers and firefighters of similar seniority, taking into account exposure to physical and psychological risks.
Enhanced mental health support: Guarantee access to psychological services and recognize PTSD (post-traumatic stress disorder) as a presumptive occupational illness under CNESST.
Early retirement option: Allow paramedics to retire after 25 years of service, as is the case for other high-risk professions.
Institutional recognition: Establish official rituals to honour losses and strengthen collective resilience within the paramedic community.
These measures are not a luxury: they are a necessary investment in the sustainability of our emergency care system.
Our paramedics deserve more than just our gratitude — they deserve concrete recognition from both the government and society.
They protect our lives. It's time we better protect theirs.
Let’s stand with our paramedics.
Let’s demand recognition that matches their commitment.
The Last Ambulance is supporting the Canadian Paramedic Memorial Foundation in their quest to build the National Paramedics Monument in Ottawa. We encourage all of our readers to make a donation by clicking on the following link: https://paramedicmonument.ca/#donate/