Novembre : La salle de choc
English version follows the french
Le Labrador a quelques kilomètres, de la boue sur mes bottes comme j’en ai rarement vu et un ours noir qui fait son yoga avant le lunch:
Je reviens d’un contrat d’un mois dans le Nord du Québec, en tant que Paramédic.
Ce voyage m’a définitivement changée, je suis une nouvelle médic.
Hein, attends: quoi ? Des paramédics libres de leur emploi du temps, qui voyagent pour le travail à leur rythme et selon leurs conditions ? Ça existe ??
Absolument. Et attends, ce n’est pas tout. Ajoute à cela un milieu stimulant où on a d’autre choix que de nous faire confiance, une utilisation de nos compétences et talents en SALLE DE CHOC (tu as bien lu) et tout cela, pour un salaire plus intéressant que tout ce qu’on retrouve en milieu urbain.
Relève toi, je t’ai entendu tomber de ta chaise.
Nous sommes formés pour les lieux d’exception. Un sauvetage en plan incliné, un conducteur de moto en mauvaise posture, un appel dans le métro.
On gère l’urgence à deux, on évacue à deux, on stabilise et on réconforte à deux, gestionnaires, maîtres et régulateurs de nos camions jaunes.
Mais à l’hôpital, nous n’existons pas et n’avons aucune responsabilités en leurs murs. Jusqu’au printemps 2020.
La pandémie a forcé la main aux décideurs, se rendant compte qu’une précieuse main-d’oeuvre, polyvalente et dynamique sillonnaient les ruesen camion jaune. Quelques modifications à la loi et plusieurs d’entre-nous ont pu expérimenter la vie en hôpital, le temps d’un prêt de service.
Une fois la (les) vague passée, nous sommes retournés sur la route, exclus à nouveau de ce haut lieu du savoir et des soins. Seuls garants de la survie du patient quelques minutes avant, transporteurs sans ambition un coup les portes de l’urgence passées.
SAUF: quand on est mal pris et qu’on en a besoin.
Dans le Nord, sur mon quart de travail, nous avons été appelés à intervenir pour un patient nécessitant une multitude de soins, beaucoup plus que ce que pouvait humainement offrir les quelques intervenants en place. Nous avons été appelés pour prêter main-forte, masser un thorax et ventiler des poumons comme nous seuls savons le faire en cas d’extrême urgence.
Soudainement, on se souvient de nos capacités, de notre polyvalence et de notre autonomie, grande force et ressources précieuses, dans une salle de choc autant que dans la rue.
Eh ben.
Quand on est loin et isolés de tous, le Gros Bon Sens reprend ses droits, retrouve sa noblesse et on se met à réfléchir collectivement. Une ambulance pour aller récupérer un corps enseveli dans la boue depuis plusieurs heures: non, pas notre mandat.
Une ordonnance de cour sans autre détails, calme et prête à partir ? Transporté simplement par les policiers en service, sans transfert fastidieux et paperasse inutile.
On réfléchit, on se parle, on se concerte. L’interdisciplinarité à son meilleur, sans fla-fla ni fioritures. On a une ambulance, deux paramédics et une multitude de façons de s’entraider pour y arriver.
Dans le Nord, exit les directives administratives longues, inadaptées et pondues dans un bureau sans fenêtres sur la réalité : on respecte le patient et les protocoles nationaux en utilisant notre GBS. On travaille tous dans le même intérêt, celui de nos pairs et on fait de son mieux en se prêtant main-forte, sécuritairement et avec cœur.
La boue, l’ours ET le sentiment de valorisation et de faire partie d’un tout, la santé. Mon meilleur souvenir.
Finalement, c’est peut-être dans le Grand Nord que se trouvent les orientations futures de notre profession.
-T-
November : The Resuscitation Room
Labrador is a few kilometers away, mud on my boots like I've rarely seen, and a black bear doing yoga before lunch:
I'm coming back from a one-month contract in Northern Quebec as a Paramedic.
This journey has definitely changed me; I'm a new medic now.
Wait, what? Paramedics with flexible schedules who travel for work at their own pace and on their own terms? Does that really exist?
Absolutely. And wait, there's more. Add to that a stimulating environment where they have no choice but to trust us, the use of our skills and talents in the emergency room (you read that right), all for a more appealing salary than what you find in urban settings.
Get up, I heard you fall off your chair.
We are trained for exceptional places. A rescue on a steep slope, a motorcyclist in a precarious situation, a call in the subway.
We handle emergencies together, we evacuate together, we stabilize and comfort together, managers, masters, and controllers of our yellow trucks.
But in the hospital, we don't exist, and we have no responsibilities within their walls. Until the spring of 2020.
The pandemic forced the hands of decision-makers, realizing that a valuable, versatile, and dynamic workforce was roaming the streets in yellow trucks. A few changes to the law, and many of us were able to experience life in a hospital for a secondment.
Once the wave(s) passed, we returned to the road, excluded once again from that high place of knowledge and care. The only guarantors of the patient's survival just a few minutes before, transporters with no ambition once the doors of the emergency room were crossed.
EXCEPT: when they are in a bind and need us.
In the North, during my shift, we were called to intervene for a patient requiring a multitude of care, much more than the few responders on-site could humanly provide. We were called to lend a hand, to massage a chest and ventilate lungs as only we know how in cases of extreme urgency.
Suddenly, we remember our abilities, our versatility, and our autonomy, a great strength and precious resource, in the emergency room as much as on the street.
Well, well.
When you are far away and isolated from everyone, common sense regains its rightful place, regains its nobility, and we begin to think collectively.
An ambulance to recover a body buried in the mud for several hours? No, not our mandate.
A court order with no further details, calm and ready to go? Transported simply by the on-duty police, without a tedious transfer and unnecessary paperwork.
We think, we talk, we consult. Interdisciplinary cooperation at its best, without pomp or frills. We have an ambulance, two paramedics, and a multitude of ways to help each other get the job done.
In the North, long, ill-adapted administrative directives concocted in a windowless office detached from reality are a thing of the past. We respect the patient and national protocols using our common sense. We all work in the same interest, that of our peers, and do our best by lending a hand, safely and with heart.
The mud, the bear, AND the sense of appreciation and being part of a whole, health care. My best memory.
In the end, maybe the future direction of our profession can be found in the Far North.
-T-
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