Réglementer les paramédics?

English version follows the French.
(25-04-2025)
Réglementer les paramédics, oui — mais pas à n’importe quel prix
Parlons franchement : l’idée d’un ordre professionnel des paramédics fait peur à bien des collègues.
Et ce n’est pas parce qu’on refuse d’être tenus responsables. Au contraire : on vit déjà avec un niveau de responsabilité clinique énorme, souvent sans le filet de sécurité qu’un véritable statut professionnel pourrait offrir. Ce qui inquiète, c’est l’idée de perdre encore plus de contrôle sur notre propre métier.
Est-ce qu’un ordre professionnel va vraiment nous défendre? Ou est-ce qu’il va nous surveiller, nous sanctionner, nous inonder de formations obligatoires inutiles?
Ces craintes sont légitimes. Et il faut les entendre.
Mais il faut aussi voir ce qu’on perd à rester dans le flou actuel. Au Québec, les paramédics sont les seuls intervenants du réseau de la santé à ne pas être reconnus comme professionnels de la santé. Aucune voix autonome. Aucun pouvoir de décision sur notre champ de pratique. Aucune table où nous pouvons siéger pour influencer les politiques de santé.
Pendant ce temps, en Alberta, en Nouvelle-Écosse et ailleurs au Canada, les paramedics participent à la définition de leurs propres standards. Ils siègent dans les comités, ils développent la pratique communautaire, ils forment les générations futures. Ils ne sont pas que des exécutants : ils sont des partenaires du système.
Ce n’est pas parfait, bien sûr. Mais ça ouvre la porte à quelque chose qu’on n’a jamais eu ici : de l’autonomie professionnelle réelle.
Ce qu’il faut éviter, c’est de copier un modèle bureaucratique à la lettre. Il faut bâtir quelque chose qui reflète la réalité québécoise, avec des paramédics au cœur de la structure. Pas un ordre professionnel imposé d’en haut, mais une instance de régulation pensée par et pour nous.
Un modèle où :
les décisions cliniques sont respectées,
les protocoles évoluent avec la pratique terrain,
les formations continues sont utiles, pertinentes, et pas punitives,
la protection du public rime avec le respect des cliniciens.
En ce moment, trop de décisions sont prises sans nous. Trop de changements sont imposés sans consultation. Trop de politiques sont écrites par des gens qui ne sont jamais montés dans une ambulance.
On ne peut pas continuer à exiger l’excellence tout en refusant de nous reconnaître comme des professionnels à part entière.
La question n’est pas : faut-il un ordre ou pas?
La vraie question, c’est : peut-on créer un modèle qui nous ressemble, et qui nous respecte?
La réponse, c’est oui. Mais il faut commencer par le dialogue.
Et il faut que ce dialogue se fasse avec nous — pas sans nous.
Regulating Paramedics? Yes — But Not at Any Cost
Let’s be honest: the idea of a professional order for paramedics makes a lot of our colleagues nervous.
And it’s not because we refuse to be held accountable. On the contrary — we already carry enormous clinical responsibility, often without the safety net that true professional status would provide. What worries people is the fear of losing even more control over our own profession.
Will a professional order actually advocate for us? Or will it just monitor us, sanction us, and flood us with mandatory, irrelevant training?
Those concerns are valid. And they deserve to be heard.
But we also have to look at what we’re losing by staying in a neverending grey zone. In Quebec, paramedics are the only frontline workers in the healthcare system who are not recognized as health professionals. We have no independent voice. No decision-making power over our scope of practice. No seat at the table to help shape health policy.
Meanwhile, in Alberta, Nova Scotia, and other provinces across Canada, paramedics are helping define their own standards. They sit on committees, develop community-based care models, and train the next generation. They’re not just technicians — they’re partners in the system.
It’s not perfect, of course. But it opens the door to something we’ve never had here: real professional autonomy.
What we must avoid is cloning the existing bureaucratic model in any way, shape or form. We need to build something that reflects Quebec’s reality — with paramedics at the centre. Not a top-down professional order, but a regulatory body built by us, for us.
A model where:
- clinical decisions are respected,
- protocols evolve based on field experience,
- continuing education is useful, relevant, and not punitive,
- protecting the public goes hand-in-hand with respecting clinicians.
Right now, too many decisions are made without us. Too many changes are imposed without consultation. Too many policies are written by people who’ve never set foot in an ambulance.
The government can’t keep demanding excellence from paramedics while refusing to recognize us as full-fledged professionals.
The question isn’t: should we have a professional order or not?
The real question is: can we build a model that reflects who we are — and respects what we do?
The answer is yes. But it has to start with dialogue. And that dialogue needs to include us — not continue happening without us.