To live like you were dying...

(12-04-2025 par Hal Newman)
“Time is fleeting…madness takes its toll.. ahh.. but listen closely.. not for very much longer.. I’ve got to keep control.” – The Time Warp, Rocky Horror Picture Show.
En SPU, tout tourne autour du temps. On ne peut pas contrôler le temps, mais oh, comme on essaie de toutes nos forces de le comprimer, de le raccourcir, et d’enfermer les secondes, les minutes et les heures qui composent une journée.
On essaie d’amener les patients traumatisés dans la fameuse « heure dorée ». On travaille sans cesse pour gruger des minutes sur nos délais d’intervention. On s’entraîne et on se réentraîne pour éliminer les quelques secondes entre les compressions pendant un massage cardiaque.
Y’a une espèce d’ironie douce-amère là-dedans : pendant qu’on essaie de coincer le temps dans une boîte minuscule, nos patients — et leurs familles — en veulent plus. Plus de temps pour vivre. Plus de temps ensemble. Juste une autre minute, un jour, une semaine, un mois. Un autre Action de grâce, un Noël, un Hanoukka, un Jour de l’an, un Kwanzaa. Une autre réunion de famille, une fête d’anniversaire, un mariage.
Je suis allé sur un appel soins communautaires — pas de gyrophares, pas de sirène. Juste une petite virée tranquille, un après-midi ensoleillé, vers une rue tranquille en banlieue. La maison ne disait rien de spécial — propre, bien entretenue, avec une pile de bottes d’hiver rangées juste à l’entrée.
Le patient était dans la cinquantaine. Père monoparental de quatre enfants dans la vingtaine. Atteint d’un cancer agressif et en phase terminale. Lui et ses fils avaient installé un écran plasma accroché au mur du salon et un lit de soins palliatifs. Ses filles s’occupaient de la routine des médicaments et antidouleurs.
La douleur était rendue insupportable et il savait que c’était le moment d’aller à l’hôpital pour des soins palliatifs. Après avoir pris ses signes vitaux, je me suis tiré une chaise et on a jasé. L’ambulance était encore loin — en fait, ça a pris genre 90 minutes avant qu’une équipe arrive sur place.
On a parlé du temps. On avait le même âge — nos fêtes à une semaine près. Il m’a raconté tous les voyages qu’il avait faits avec ses enfants dans les cinq ans depuis son diagnostic. « On a roulé notre bucket list en accéléré, » qu’il a dit. « On a fait un safari en Afrique, on est allés aux Galápagos, pis on a même assisté aux finales nationales de rodéo à Vegas. »
Je lui ai parlé de la fois où j’étais allé aux NRF avec Norm, pis qu’on m’avait déposé direct à l’aéroport après — un des moments les plus surréalistes de ma vie.
« Tu connais la chanson de Tim McGraw — Live Like You Were Dying — ben c’est comme ça qu’on a vécu les cinq dernières années. N’importe quelle aventure folle, on l’a tentée. Pis tout ce temps-là, je savais que ce jour-là finirait par arriver — le moment de sortir cette mallette-là… Tu peux me l’apporter ? Ouais, celle-là. C’est là-dedans que sont tous mes papiers importants. C’est fou comme la mort peut te rendre organisé. » Sa voix s’estompe.
« Tu sais ce qui va me manquer le plus dans les prochaines semaines ? »
« Aucune idée », que j’ai dit.
« C’est d’être ici, dans cette pièce, au cœur de cette vieille maison, à écouter mes gars et mes filles continuer leur vie tout en prenant soin de leur vieux père. J’ai acheté cette maison pour qu’on puisse tous vivre ensemble sous le même toit. On l’a rénovée de fond en comble. Refaire les planchers, repeinturer les murs. C’est la plus belle job tough qu’on a faite ensemble. »
Il a pris une gorgée de gingembre-ale toute flatte.
« C’est ça qui va me manquer. Le temps ensemble. Gaspille pas une seconde avec des niaiseries ou du drama inutile. Parce qu’à la fin — pis je suis rendu pas mal là — c’est le temps que tu vas désirer. Pis ce sera du temps que t’auras pu. »
J’ai pris congé quand l’équipe des paramédics est arrivée. Une semaine plus tard, j’ai vu dans les avis de décès qu’il était « décédé paisiblement, entouré de ses enfants. »
« Sky diving, I went rocky mountain climbing,
I went two point seven seconds on a bull named Fu Man Chu.
And then I loved deeper and I spoke sweeter,
And I watched an Eagle as it was flyin’. »
An’ he said: « Some day, I hope you get the chance,
To live like you were dyin’. » (Tim McGraw)