5 min read

Une entrevue avec un paramédic

Une entrevue avec un paramédic

Depuis combien de temps travaillez-vous comme paramédic ?

J’en suis à ma première année comme paramédic. J'ai la vingtaine. J’ai quitté une carrière pour suivre un rêve de jeunesse de travailler dans les services d’urgence. Je ne voulais pas vivre un jour avec le regret de ne jamais avoir essayé. J’ai décidé de quitter volontairement un emploi à plus de 100 000$ par an avec des conditions extraordinaires. Évidement, j’étais conscient que j’allais descendre de salaire et que j’allais devoir adapter mon niveau de vie… Mais à quel point? Je n’aurais pas pensé diminuer autant dans mes conditions de travail, toutes conditions confondus.

À quel niveau de rémunération travaillez-vous actuellement ? Combien de temps vous faudra-t-il pour atteindre le sommet de l'échelle ?

J’en suis au premier échelons de la convention de la FPHQ, soit à 23,77$h. Puisque je suis à temps partiel, on ajoute à ça un 9,3% d’avantages que les temps plein ont normalement (congés fériés, maladies) . Il y a un total de 12 échelons dans cette convention. Nous progressons dans l’échelle à chaque 225 jours de travail. Puisqu’un temps partiel débutant n’arrive pas à comber ses heures à chaque quinzaine, on peut prévoir entre 13 et 14 ans pour atteindre le taux de l’échelle. En guise d’exemple, une progression à l’échelon 6, après 7-8 ans, correspond à une augmentation d’environ 400$ par 2 semaines seulement. (VOIR PIÈCE JOINTE).

Décrivez un quart de travail pour nos lecteurs. Combien de temps passez-vous à préparer vos quarts de travail - et combien de temps avez-vous pour vous détendre après un quart de travail ?

Il n’y pas vraiment de temps de préparation pour les quarts, outre le fait de devoir se mettre en uniforme. Cepandant, dans ma compagnie, afin de maximiser nos chances de compléter nos heures, il est préférable de garder nos disponibilités aux plus de casernes possibles. Il arrive donc régulièrement que je doive faire jusqu’à 1h15-1h30 de route (x2 pour l’aller/retour)  pour aller faire un quart de travail dans une autre caserne que ma caserne d’appartenance. L’essence et le transport ne sont pas remboursé par l’employeur malgré la longue distance. Sur un quart de 12h, ce qu’il y a beaucoup en région, nous devons donc s’absenter de la maison environ 15h pour notre quart de travail. Ce temps n’est pas compris non plus dans les 8h de repos requis par la CSST entre les quarts. Parfois, nous avons des quarts de céduler 8 heures après le quart, ce qui ne nous permet pas de se reposer convenablement. Notez bien que dans ce 8 heures, il faut faire la route, se laver, manger et préparer nos lunchs et dormir. Imaginez dont lorsque nous terminons en retard sur un shift de 12h et qu’on retravail 8 ou 10h après. Malheureusement, la rotation entre les quarts de jour/soir et nuit dans la même semaine pour les temps partiels sont omniprésents et nuient de manière significative à notre qualité de vie.

Avez-vous un seul emploi ou devez-vous en cumuler plusieurs pour joindre les deux bouts ? Si seulement! J’ai 3 emplois différents pour être capable d’avoir un minimum de qualité de vie. En plus de mon horaire régulier (irrégulier je devrais dire), je prend des contrats de BTAQ et je travail pour une compagnie d’assistance événementiel.

Allez-vous continuer votre carrière de paramédic -- je veux dire, pouvez-vous vous le permettre ? Je suis en très grande réflexion. J’adore mon nouveau métier. J’ai réèllement l’impression de faire une différence dans la vie des gens. Malheureusement, ces conditions de travail déficientes me mènent à penser de retourner du domaine d’où je viens.  De plus, il y a tellement d’absurdité dans le système de santé qui vient tranquillement éteindre la flamme de la passion. Rare sont ceux qui se plaisent encore à fond après seulement quelques années. Travailler dans cette ambiance pessimiste envers le système rend la motivation difficile. Tsé, rien de plus satisfaisant que d’attendre 3-4-5 heures dans un CH en rétention de civière…. Ou de constamment faire des transferts interhospitaliers comme taxi alors que ceux-ci pourraient facilement se faire en taxi ou transport adapté.

Parlez-moi de la façon dont votre chèque de paie est utilisé toutes les deux semaines. Pouvez-vous fournir des détails sur les retenues à la source et ce que chacune représente ?

Je vous mets en pièce jointe mon dernier slip de paie qui correspondent à un 78h de travail. Sur une paie brute de 2110.46$, il me reste net 1032.19$, soit une diminution de 51,1%. Le coût du syndicat et des assurances collectives sont faramineux. Je cotise également au maximum à mon fond de solidarité FTQ, ce qui me coute réèlement 74,04% avec les déduction REER et le 30% de retour supplémentaire que je demande de recevoir à chaque paie. Il y a également la cotisation au régime de retraite RRTAP.Combien reste-t-il et quelles sont vos dépenses ? Heureusement, je suis en couple ce qui m’aide dans mes dépenses récurentes. Nous sommes propriétaire d’un jumelé que nous avons acquérie l’an passé (1069$/mois à deux), plus les taxes municipales, électricité, internet et assurance. J’essaie également d’épargner au minimum 115$ par semaine en plus des REER. C’est sans oublier l’épicerie et l’essence qui ne cessent d’augmenter, la paiement de la voiture, le téléphone. Vous comprendrez donc qu’il n’en reste pas énormément pour les dépenses pour améliorer notre qualité de vie et pour les loisirs.

Quelles étaient vos attentes en entrant dans le métier ? J’étais conscient que les conditions étaient mauvaises. Mais mon envie et ma peur de regretter de ne jamais l’avoir essayé étaient trop grands pour ne pas au minimum l’essayer. À ma deuxième année de Cegep, j’ai presque abandonné en raison de tout le négatif que nous entendions et le peu de positif… C’était décourageant. Je crois fortement qu’un paramédic au Québec manque de reconnaissance, que c’est un métier trop peu connue et sous évalué. Le manque d’avancé professionnelle est tellement flagrant que ça contribue également au manque de rétention. Nous pourrions tellement contribuer plus au système de santé….

Que diriez-vous à quelqu'un qui envisage une carrière de paramédic au Québec?

Honnêtement, je trouve ça tristement difficile d’encourager quelqu’un à poursuivre dans ce si beau métier. Il y tellement d’entreprises et de carrière qui offrent tellement mieux comme conditions de travail, de qualité de vie et de possibilités d’avancement que j’ai dû mal à dire d’y aller. Je suis content d’avoir fait le move d’avoir suivi mes envies, mais j’ai en même temps un léger regret d’avoir abandonnée des conditions merveilleuses qui m’offraient une qualité de vie exceptionnelle, et une présence pour ma famille et ami plus grande.

---